Suite à la déclaration du 20 novembre de François Hollande
sur la « liberté de conscience » des maires quant au mariage gay,
j’avais prévu d’écrire un article bien incendiaire et de rappeler encore une
fois qu’une telle proposition n’avait aucun sens (ayant déjà évoqué ici les
avis personnels des maires). Sauf qu’entre temps, et même le lendemain de cette
annonce, le Président a vite retiré ses mots et ajouté que « ce n’était
pas un terme approprié ». Peut-on savoir ce qu’il se passe au gouvernement
au juste ? Alors voilà, plutôt que de s’agacer (et c’est un faible mot)
sur ces phrases lancées à la va-vite et ces contradictions, il convient
peut-être plutôt d’essayer d’étudier le pourquoi du comment. Pourquoi un tel
retournement de veste ? De quoi ou de qui Hollande a-t-il peur ? Je
dis peur, parce qu’en effet, on dirait bien que Hollande s’incline à tout bout
de champ devant la personne la plus menaçante et lui dit ce qu’elle veut
entendre. Petite analyse chronologique éclairante.
Le 17 novembre, 70 000 personnes selon la police (mais
200 000 selon les organisateurs : à peine différent, en soi...) ont
manifesté à Paris mais aussi dans des grandes villes comme Lyon contre le
mariage gay. Le lendemain, l’institut Civitas a appelé à la « grande
manifestation nationale », au « grand rendez-vous de l’extrême droite
catholique » pour combattre le projet de loi. La mobilisation, bien que
décevante pour eux, a quand même réuni plusieurs milliers de personnes. Et deux
jours après, qu’avons-nous ? Un président qui nuance ces propos et parle
de « liberté de conscience » pour apaiser les foules mécontentes.
Alors le même jour de cette déclaration, le 20 novembre à
16h, l’Inter-LGTB (l’association Lesbien-Gay-Trans-Bi) qui
« exigeait » du Président de lui parler « rapidement » après
cette déclaration a été reçue à l’Elysée. Et là, Hollande a retiré ses mots, a
nuancé ses propos et a réaffirmé sa volonté de soutenir jusqu’à la fin le
projet de loi.
Alors voilà, on peut se demander si notre président ne
serait pas une girouette, serioulsy. Ses paroles varient du tout au tout
selon l’organisation qui le menace, il s’incline devant toutes les
manifestations et les mécontentements. Heureusement, son équipe ministérielle
est bien plus fixe, elle : Christina Taubira, la Garde des Sceaux, a
rapidement repris Hollande sur son idée de « liberté de conscience »
et a clairement rappelé qu’il ne s’agissait absolument pas de faire deux poids
deux mesures. On remarquera que le Président a tendance à être éffacé par ses
ministres, contrairement à Sarkozy qu’on accusait d’être omni-présent. Alors c'était bien vrai : "le changement, c'est maintenant".
La liberté de conscience des maires n'est absolument pas quelque chose de nouveau. Les maires sont des citoyens, qui bénéficient par conséquent de l'article 10 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, qui a valeur constitutionnelle.
RépondreSupprimerLa liberté de conscience n'est en rien un recul de François Hollande sur la question du mariage gay, mais un effort d'apaisement et le signe d'une volonté de consensus : les maires ne souhaitant pas célébrer d'union homosexuelle ne le feront pas. Ils chargeront un adjoint de le faire.
Ajoutons à cela que bien souvent ce n’est pas le maire lui-même qui officie les mariages, et cela ne pose pas vraiment de problème...
Enfin, non, notre Président n'est pas une girouette. Il veut gouverner par consensus. L'opinion publique ne semble pas être prête à un tel mode de gouvernance : c'est dommage. Cet article est la preuve d'une mauvaise appréciation des enjeux. Une vue simpliste de la politique, en somme.
En effet, le droit à l’opinion personnelle des maires n’est pas nouveau, et il est même clairement énoncé dans l’article L2122-34 du Code des collectivités territoriales : «Dans le cas où le maire, en tant qu’agent de l’Etat, refuserait ou négligerait de faire un des actes qui lui sont prescrits par la loi, le représentant de l’Etat dans le département peut, après l’en avoir requis, y procéder d’office par lui-même ou par un délégué spécial. » Cela s’applique d’ailleurs automatiquement à chacune des lois.
RépondreSupprimerAlors pourquoi François Hollande a-t-il bien insisté sur le fait que les maires auraient leur « liberté de conscience » à propos du mariage gay ? Pourquoi a-t-il ressenti le besoin spécial de s’y référer? On dirait qu’il légitime ainsi le refus par un élu de la République de cette loi , qu’il banalise cette posture d’opposition à la législation, qui pourtant devrait rester une exception. (Il ne me paraît pas évident qu’un élu ait forcément des opinions contraires à celles du gouvernement).
Plutôt qu’une loi parmi tant d’autres, on dirait que Hollande se propose d’en faire une loi «consensus» comme vous dites, et donc au détriment de l’égalité que pourtant, et assez ironiquement, la loi promet. Il me semble en effet difficile de parler de « consensus » à propos de l’égalité entre les citoyens qui me paraît justement être l’enjeu de la mesure. S’il veut promouvoir l’égalité, comme il en a si bien parlé, alors il ne serait pas pertinent de suivre une politique « tiède » de consensus : il n’existe pas de degrés d’égalité.
On ne peut pas satisfaire tout le monde, mais l'on essaie au moins de satisfaire la ligne directrice que l’on s’est proposé de suivre. Alors j’ai bien le regret de maintenir le terme de « girouette », qui me paraît adapté pour décrire un Président qui se contredit du jour au lendemain et ne souffre pas le moindre vent contraire.
Le fait est qu'il n'a jamais eu ce qu'il faut dans le pantalon pour l'exercice d'une telle fonction et qu'il a été élu sur un malentendu : à savoir un programme trop beau pour être vrai et qui montre chaque jour ses limites dans son application.
RépondreSupprimerMerci, cher anonyme de 21h56, pour cette magnifique réflexion qui fait si bien avancer le débat.
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